Poèmes traduits par Anne-Marie Soulier, parus dans la collection PO&PSY aux édtions érès
mercredi 14 mai 2014 par Françoise Urban-MenningerPour imprimer
Cette collection de poésie dirigée par Danièle Faugeras et Pascale Janot vient de publier son dix-septième volume avec "bateau de papier", véritable bout de ciel qui nous ravit dès l’ouverture de ce petit livre lumineux, à nul autre pareil, présenté dans son écrin en carton bleu.
Ce livre est une promenade dans les allées du jardin de l’être où les 28 poèmes brefs d’Olav Häkonson Hauge sont autant de fragments de lumière qui nous éclairent. Surnommé "le jardinier d’Ulvik", du nom du village au bord d’un fjord où il vécut toute sa vie, le poète partagera son existence entre la culture de ses pommiers et l’écriture.
Et ce sont l’écriture et la lecture qui lui permettront de surmonter trente ans de crises de schizophrénie ! L’auteur apprend seul le français, l’allemand, l’anglais et traduit Thoreau, Yeats, Blake, Dickinson, Bachelard, Baudelaire, Rimbaud...
Les 28 poèmes qui composent "bateau de papier" nous font d’emblée pénétrer dans un entre-deux enchanté, au royaume de la pensée magique de l’enfance :"Depuis cette nuit l’herbe est verte/.../ la joie tambourine sur son bouclier de cuivre". Cette joie qui "tambourine", on la pressent dans tout le recueil traduit par Anne-Marie Soulier, elle-même poète, qui a su se faire le passeur de cette poésie limpide puisée à la source même de l’être.
La photographie de Sandrine Cnudde, "artiste marcheuse", telle qu’elle se plaît à se définir (car elle a arpenté durant plus d’un mois les sentiers qui serpentent autour de la maison du poète), traverse ce recueil et nous incite à notre tour à cheminer dans le poème.
La poésie d’Holav H. Hauge nous ramène vers nous-mêmes dans une simplicité où l’émerveillement d’être au monde tient en très peu de mots. Dans cette poésie cosmique, le poète est en phase avec la nature et quand l’océan se met à parler, c’est une voix pleine de grâce que l’on perçoit :" Tu vois, dit-il tout scintillant,/ moi aussi j’ai des étoiles/ et des gouffres bleus."
Il va sans dire que la poésie d’Olav H. Hauge nous réapprend à regarder, à sentir, à appréhender avec sensibilité notre environnement quotidien où les choses les plus humbles nous deviennent soudain essentielles. Ainsi une larme, des coquelicots, une nouvelle nappe, la neige sur les jeunes arbres, appellent le poème sur la page blanche. Et l’univers de l’auteur de tisser la trame d’un champ poétique où il interpelle les poètes chinois Li Po et Lu Ji ou encore Emily Dickinson qui l’accompagnent dans ses pensées et renaissent dans ses poèmes. La vie devient toujours plus légère à l’approche de la mort inéluctable et quand c’est l’herbe qui parle lorsqu’elle est fauchée, c’est bien évidemment la voix du poète que l’on entend :"Et ça ne fait pas mal,/ dit l’herbe/ de tomber sous la faux".
L’écriture apaisée d’Holav H. Hauge nous comble tout à la fois de son vide et de sa plénitude. Il fait bon voguer à bord de ce "bateau de papier" qui nous entraîne sur des mers intérieures où nous avons la faculté de renouer avec la musique du monde qui nous porte et nous emporte.
Olav H. Hauge qui a toujours vécu à Ulvik n’a jamais quitté sa véritable patrie qui, comme nous le rappelle l’écrivain Chawki Amari, est l’enfance :"La seule patrie de l’être humain est son enfance"... C’est certainement l’une des raisons qui fait qu’aujourd’hui Olav H. Hauge est reconnu comme une gloire nationale en Norvège. Dans un monde qui a perdu ses repères, la poésie est un chemin : "Un mot/- une pierre/ dans une rivière froide./ Encore une pierre-/ Il m’en faut d’autres. si je veux traverser."
Françoise Urban-Menninger
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