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Laurent Mulot implante Middle of Nowhere à Mazagan
samedi 17 août 2013 par Abdelali Najah

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Middle of Nowhere est une œuvre d’art visuel développée par Laurent Mulot consistant à implanter un geste poétique sur les 6 continents. Ce geste est concrétisé par la pose d’une plaque attestant la fondation d’un Centre d’Art Contemporain Fantôme dans des lieux inhabituels pour un centre d’art et avec des gens qui n’ont aucun lien avec l’Art Contemporain.

(L’exposition de Laurent Mulot s’est tenue à la Galerie Chaïbia Tallal et la Citerne Portugaise du 20 au 30 mai 2008.)

Nous avons tenu cet entretien avec Laurent Mulot sur son projet.


Pouvez-vous présenter l’artiste photographe Laurent Mulot aux lecteurs ?

L.M : Né au Havre au siècle dernier, J’y retourne parfois, voir sa mer... Embarqué trop jeune dans des études de sociologie, je bifurque plus tard en arts plastiques à Panthéon-Sorbonne. Je me jette dans la fabrication d’objets inutilisable(Galerie Meotu, Paris), puis dans la sculpture en France, Tchèque, Slovaque et assidûment au Brésil. Très fatigué par le poids de l’acier, je m’en prends aux images(bien plus légères) et deviens expert en photographie ratées, parutions, expositions, collections... Je continue mon chemin et finalement je trouve la réconciliation entre ma préoccupation esthétique, mon intérêt sociologique, ma rage contre les médias de grande consommation en m’inventant faux-vrai reporter de sujets invendables mais qui me passionne passionnément. Le résultat se montre sous la forme d’installations dans lesquelles le visiteur peut reconstituer une fiction documentaire ou les protagonistes filmés, enregistrés, photographiés jouent leur propre rôle. C’est significativement le cas pour l’oeuvre They come out at night, qui prolifère depuis 2001 à partir d’un endroit réputé pour être au milieu de nulle part, middle of nowhere... C’est de ce milieu que le travail continue sur le web et sur le globe. A noter que l’oeuvre Middle of Nowhere est un travail qui synthétise mes recherches antérieures.
Je vis et travaille ou je me trouve.


Vous avez inauguré le dernier centre d’art contemporain à la Cité portugaise d’El jadida au Maroc. Pouvez-vous nous parler de la stratégie du réseau international des centres d’art contemporain fantômes ?

L.M : Middle of Nowhere est une œuvre d’art visuel développée, consistant à implanter un geste poétique sur les 6 continents. Ce geste est concrétisé par la pose d’une plaque attestant la fondation d’un Centre d’Art Contemporain Fantôme dans des lieux inhabituels pour un centre d’art et avec des gens qui n’ont aucun lien avec l’Art Contemporain.
L’œuvre à deux versants, l’un est virtuel : le site internet et l’autre est physique : les expositions. À ce jour six, installations importantes ont été montrées en Australie, France et Chine. Un est actuellement montré au Musée d’Art Contemporain de Lyon en France.
Concernant le site internet le MAC Lyon a produit et réalisé une borne d’accès permanent au public dans l’enceinte du musée. Le projet pour cette borne est de l’installer dans plusieurs musées et ainsi créer un lien entre les publics de ces institutions, entre ces institutions elles-mêmes au travers de l’œuvre.
Un des concepts de ce travail est l’ubiquité. Le réseau internet, la borne d’accès, la possibilité de visiter les expositions et de se rendre « au milieu de nulle part » sont autant de pistes qui mènent au « territoire de l’œuvre » . C’est aussi une réflexion politique sur l’Art et la globalisation.

Quels sont les facteurs qui vous ont poussé à choisir la Cité portugaise pour implanter votre dernier centre continental d’art contemporain fantôme ?

L.M : Son histoire singulière qui lie cette citée à l’Amazonie. Notamment ce rêve (ou cauchemar) fou de vouloir "déménager" une ville de l’autre côté de l’atlantique.
Le cinquième centre d’art contemporain fantôme a été inauguré dans l’ancienne citée portugaise de Mazagan à El Jadida au Maroc en Mai 2008. Mazagan, point de départ des habitants portugais qui au 18éme siècle partirent pour l’Amazonie aujourd’hui brésilienne fonder l’actuelle Mazagao Velho (site du quatrième centre d’art contemporain fantôme).
Les deux gardiens se nomment Mohamed Sadek et Abderrahim Mackendach

Pouvez-vous nous parler des rites de passage des centres d’art contemporain fantômes ?

L.M : Ma posture est extra-territoriale, j’essaie non pas de conquérir des territoires pour le monde de l’art, mais je tente de mettre de l’art là ou je sens qu’il peut s’installer, et cela ne peut se faire autrement qu’avec l’adhésion des gens que je rencontre sur place. Le couple de bushmen à Cook en Australie ne se préoccupe pas d’art contemporain, pas plus que les octogénaires de ce petit village dromois, ni les élus locaux de Mazagao dans la foret amazonienne, pas plus que les paysans du Sichuan en Chine ou les habitants d’El jadida au Maroc. Mais tous se sont emparés du geste comme d’une revendication "d’art" et ce faisant sont entrés dans le discours de l’art contemporain et d’ailleurs dans son actualité car Middle of nowhere est une ouuvre qui s’expose sous la forme d’installation, d’exposition photographique et sur le web.
Tous les membres de Midlle of Nowhere sont photographiés avec un vieux polaroid mini-portrait pour photos d’identité, je leur donne une image et j’en conserve une. C’est aussi la relation entre photo et identité qui est en jeu. Le centre inauguré via une plaque qui fixe l’événement et remercie les gardiens.


Quelles sont les différentes techniques de la photographie modernes que vous utilisez dans vos expositions ?

L.M : J’utilise des procédés de tirages argento-numériques et numériques, mais également des projections, du son, et parfois l’installation d’objet.

Vous avez intitulé votre projet "Middle of Nowhere". Pouvez-vous nous expliquer cette conception philosophique qui vous guide dans ce chemin qui mène nulle part ?

L.M : Ma démarche a été dès le départ centrée sur le geste poétique qui pourrait faire basculer un lieu de non-art vers un territoire de l’art. Sans reprendre la question Duchampienne, comment un objet "devient d’art(dard)", il m’intéressait d’introduire une variable sur un territoire à priori sans intérêt, ou à priori vide "d’art" et développer avec les gens (même au nombre de deux) habitant ou s’occupant dudit territoire, le projet d’un centre d’art contemporain fantôme. Bien sur, la situation me permettait de poser une critique sur le ton de l’ironie. Mes centres d’art sont fantômes, l’institution est vide, aucune œuvre n’est visible sur le lieu mais les gardiens existent pour de bon, la seule chose tangible est humaine. Donc pas de public, pas de bâtiment, pas d’œuvre enfin une centre d’art idéal sans aucun soucis.
Le milieu de nulle part est pratiquement un oxymore. Il désigne un lieu et un anti-lieu, d’où sa dimension fantômatique. Il institut également un lieu par la plus-value symbolique que j’y amène.


Vous concevez votre projet "Middle of Nowhere" comme une approche politique de l’art et de la globalisation. Pouvez-vous nous montrer cette prise de position politique de l’art dans un système mondialisé ?

L.M : Il y a une approche humoristique (les centres de Middle of Nowhere sont tous à l’écart du Global Business et également du marché international de l’art), mais également plus sérieusement un positionnement critique par rapport à ce que la globalisation économique prend en compte habituellement et de la nécessité de proposer des alternatives à cela, même dans l’art.

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