jeudi 30 mai 2024 par penvins
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Traduction : Loïc Marcou
Comment faire entrer cette femme ( Louna ) dans la dignité de l’histoire alors que les indices qu’elle a laissés sont si minces ?
Rika Benveniste se souvient de Louna qui devient le témoin des juifs démunis de Thessalonique. Elle offre à cette femme pauvre et illettrée d’être l’héroïne d’une biographie historique et donne chair à ce qui, sans elle, resterait un documentaire parmi d’autres. L’historienne imagine ce qu’elle ne sait pas de Louna, alors qu’un roman historique prétendrait tout savoir de Louna, cet Essai de biographie remet l’imaginaire à sa place, l’accroche à ce que nous savons de l’extermination des juifs de Thessalonique, derrière les chiffres abstraits, l’historienne tente de retrouver les traces concrètes de ce qu’a vécu Louna, de lui redonner vie, de lutter contre son invisibilité en mettant en lumière les traces de son passage.
Parce que Louna a bien existé même si les documents hésitent sur la date de sa naissance au tout début du XXème siècle. Elle a connu l’incendie de 1917 et la Grande Catastrophe de 1922. Mais plus visible encore est ce matricule tatoué sur l’avant bras gauche qui devait faire d’elle un numéro et qui tout au contraire fait d’elle un être unique.
Louna est déportée en Pologne depuis le camp de transit Baron-Hirsh le 27 mars 1943 par le cinquième convoi quittant Thessalonique pour Auschwitz.
Sam son mari sera envoyé à la chambre à gaz pour y être assassiné dès son arrivée, Luna jugée apte au travail échappe à la chambre à gaz. :
« Ah ! Tu es jeune ! Tu es encore apte au travail. » Désormais privée de nom, Louna […]
Le 28 avril de la même année (1943) elle sera conduite au Block10 où les médecins nazis pratiquent des expériences en vue de stériliser les femmes juives. Louna en témoignera après la guerre.
De ces témoignages oraux récoltés, notamment par Miriam Novitch, Rika Benveniste écrit : Derrière l’apparente technicité des termes médicaux employés, la langue de l’époque écrase la souffrance liée à des maux quotidiens […]
Les années d’après-guerre seront difficiles pour tous mais plus encore pour les rescapés de l’enfer nazi. La première adresse déclarée par Louna, est celle de la synagogue des Monastiriotes. En 1946 les Juifs ne sont plus que 2000 sur les 50000 qui vivaient à Thessalonique avant la guerre, ceux-ci n’ont toujours pas de toit et dorment à la rue sans avoir trouvé un parent ou un ami pour les accueillir.
Lire cette biographie abondamment documentée c’est aller au-delà de la connaissance des faits, de l’inhumanité absolue des médecins nazis se servant des femmes juives comme d’un matériel pour mener leurs expériences médicales, c’est tout au contraire rendre à Louna son individualité, mettre un nom sur son matricule, redonner vie à la langue qu’elle parlait sans savoir l’écrire, le judéo-espagnol,
Merci à Rika Benveniste ainsi qu’à son traducteur et à Signes et Balises d’honorer ainsi la mémoire de Louna..
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