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Le dernier invité - Anne Bourrel
jeudi 19 avril 2018 par penvins

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Hantée par le silence des familles, Anne Bourrel reprend la plume pour dire toute l’horreur qui s’y cache. Taire ce qui a eu lieu provoque des réactions en chaine, alcoolisme de celui qui sait et ne dit pas, destruction de sa famille, perte de la propriété qui symbolisait l’enfance, impunité, culpabilité et même désir de vengeance de l’auteur du crime qui dans cette débâcle aura lui aussi perdu cette propriété commune et finalement, pire que tout, reproduction de ce même crime et de ce même silence.

Elle le raconte à son père, mais il ne la croit pas. Pas vraiment.

Tout est sans doute dans ce « Pas vraiment »

L’invention de la neige c’était déjà cela, ce blanchiment, ce déni. Et le déni s’impose aussi à la victime, impossibilité de dire devant le refus d’entendre. Pourtant de roman et roman Anne Bourrel ne cesse de dire que même s’il faut le savoir pour la remarquer cette tache demeure, impossible à faire disparaître :

Tous font la même réponse : il faut le savoir pour la voir.

La mauvaise odeur est là, elle envahit tout l’espace, odeur que l’on décrie mais dont on s’accommode, odeur qui se cache derrière la page blanche. Page blanche, ou page saturée, il faut interroger ce que peuvent signifier les tatouages qui envahissent la peau de la victime : écrire sur son corps pour le masquer bien sûr par un acte d’agression, mais sans doute aussi par une graphorrhée, tentative de cacher derrière le stylet ce qui ne peut être dit.

Elle a ouvert deux autres salons de tatouage. Sur son corps, il n’y a plus de place.

Ecrit comme un polar le roman a une formidable efficacité pour dire toute l’horreur de ce crime perpétré à l’intérieur de la famille et qui se répète faute de pouvoir être entendu, qui se répète chaque fois que l’on dit aux enfants LA PHRASE :

Allez les enfants, aller jouer en bas.

Cécité des adultes, impossibilité pour La Petite d’échapper à son cousin :

C’était le moment. Il fallait y aller. Elle n’avait pas le choix. Ne pas se soumettre à la sentence aurait été la plus grave des fautes, la très grande faute. Elle aurait brisé l’ordre du monde, elle aurait stoppé le mouvement des planètes. Rien de moins.

Comment mieux dire les conséquences du déni, le blanc-seing que le silence des adultes laisse au petit criminel, aveuglement qui l’installera dans sa sexualité perverse et qui fera que se répétera le même crime des années plus tard sur une autre victime.

Tout est dit ici de ce qui peut être énoncé des conséquences du silence familial, parfois même de manière un peu didactique - conséquence sans doute de ce que petit à petit la parole de l’auteure se libère - mais au-delà de la démonstration on reste sonné par la violence de cette inévitable soumission de celle qui ne peut pas se faire entendre, pas même plus tard des flics :

…le jour où la police lui a dit que c’était trop tard pour porter plainte.

Un roman qui résonne avec l’actualité de Me too, mais pas seulement, un roman qu’il faut relire après avoir lu les romans précédents d’Anne Bourrel, à commencer par Gran Madam’s où tout était déjà dit de la tyrannie des hommes sur les femmes et plus encore de l’insupportable silence des témoins.



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