vendredi 8 février 2008 par Médée
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Bérénice, mise en scène de Lambert Wilson, Bouffes de Nord
Avec Carole Bouquet et Lambert Wilson
Jusqu’au 23 mars 2008
Si Lambert Wilson et Carole Bouquet prennent parfois la pose et trop de plaisir à s’entendre prononcer des vers, qu’ils en soient pardonnés car le plaisir est partagé. Le ton de cette Bérénice aux couleurs de l’Orient est donné dans une entrée en scène anticipée de Titus, prologue muet au cours duquel le spectateur assiste, médusé, à une voluptueuse cérémonie. Deux serviteurs habillent Titus, l’enveloppent lentement, presque sensuellement, de cette longue étoffe brune qui forme l’habit romain. Le peplum s’enroule autour de l’homme immobile sur les accents suaves d’une mélodie orientale. Titus le romain, Titus baigné d’Orient.
Carole Bouquet, moins Cléopâtre que ne le fut Ludmila Mickaël dans la mise en scène de Grüber pour la Comédie française touche par la candeur enfantine de ses joies de femme amoureuse, avant de céder à la douleur des amours déçues.
Mais l’interprétation de Georges Wilson mérite à elle seule que l’on s’arrête à cette deuxième mise en scène de Bérénice par Lambert Wilson. Véritable performance d’acteur, et performance physique d’abord pour l’homme âgé de 87 ans, à qui la mise en scène a ménagé un siège. Georges Wilson donne au rôle de Paulin un poids que n’a pas le confident dans le texte racinien. Figure de la sagesse des Anciens, c’est bien avec une autorité paternelle qu’il conseille à Titus de renoncer à son hymen avec cette princesse orientale. La mise en scène propose ici une véritable relecture de la pièce.
Etrange actualité politique que celle portée par ce récit de la nécessité, pour ceux que le devoir a placé aux plus hauts rangs, de renoncer à l’amour. Dès lors qu’il est sacré empereur, Titus se voit rappelé les lois de Rome et ses devoirs de romain. L’Empereur romain ne saurait épouser la Reine orientale. Ainsi Racine nous peint-il des héros dignes de gouverner des nations, eux qui sont capables de renoncer aux douceurs d’une étreinte.
« Adieu, servons tous trois d’exemple à l’Univers » : maxime désuète que celle prononcée par Bérénice à la fin de la pièce.
Valérie Nativel
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Messages
1. Bérénice - Racine, 8 février 2008, 16:21, par Bastien
Bravo pour cette fine analyse de la pièce. Un article qui donne envie d’aller plus souvent au théâtre.
Bastien