Petite philosophie de l’amour, d’Alain de Botton, traduction de l’anglais par Raymond Las Vergnas
samedi 28 mai 2011 par Louise de RavinelPour imprimer
La petite philosophie d’Alain de Botton est avant tout une confrontation, celle de la petite histoire, particulière, avec celle de la grande histoire des idées. En nous racontant son histoire d’amour avec Chloé, jeune anglaise très attachée à son indépendance comme à son éléphant en peluche, le narrateur-auteur redonne toute sa puissance à la fable. En suivant toutes les étapes de la relation amoureuse des deux individus, rencontre dans l’avion, premier dîner, premiers surnoms, petits déjeuners, vacances, rencontres familiales, premiers doutes, décrépitude, séparation, et rétablissement de "l’abandonné", le lecteur, par un mouvement inductif, est aussi amené à découvrir ou redécouvrir, toute une pensée de l’amour, de la raison et de la passion à travers les siècles.
On tombe en effet, entre le voyage en Espagne et le café en terrasse, sur Platon et son Androgyne primordial, Kant et son amour de la loi morale...L’auteur fait également appel à Mme Bovary, qu’il imagine, avec beaucoup d’humour, vivre une séance d’analyse aujourd’hui autour de la question du masochisme amoureux.
Alain de Botton décortique, avec une écriture précise et fragmentée en multiples paragraphes qui rend le tout très vif, les puissances douces et destructrices qui règnent sur le rapport amoureux.
Mention spéciale aux chapitres "Du fatalisme romantique" et "Du psycho-fatalisme" qui mettent brillamment en lumière le besoin irrépressible qu’a l’homme de s’inscrire au sein d’un destin sentimental, qu’il soit heureux, au moment de la rencontre, " Chloé et moi en venions, en effet, dans une espèce de perspective mythologique, à considérer notre rencontre en avion comme la facette d’un dessein d’Aphrodite (...) Il nous semblait que, depuis l’époque de nos deux naissances, le cerveau géant qui règne dans les cieux s’était ingénié à orienter subtilement nos deux orbites de telle façon qu’un jour donné, nous puissions nous trouver côte à côte dans la navette aérienne Paris-Londres. ", ou désespérant, au moment de la rupture, " Pourquoi moi ? Pourquoi ça ? Pourquoi maintenant ? J’analysais le passé pour y déceler des origines, des augures, des offenses, tout ce qui aurait pu me fournir une raison de la déraison qui m’entourait (...) " .
Le rationalisme de ce "roman philosophique" peut heurter les lecteurs les plus romantiques mais l’intelligence est bel et bien là, triomphante et jubilatoire.
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