par Alice Granger
Editions Le Serpent à plumes.
En lisant ce roman d'un écrivain algérien, Amin Zaoui, j'ai l'impression de plus en plus grande qu'il s'agit d'une autre soumission que celle annoncée, que celle ancestrale des femmes à leur mari et des enfants à leurs parents.
Cette soumission s'écrit : - comme celle du père aux textes coraniques, au Prophète.
- comme celle du petit garçon sous l'oeil toujours éveillé de sa mère qui enveloppait son petit pénis dans de la soie jusqu'à l'âge de la circoncision, qui, très excitée, caressait son sexe et ses testicules en parlant de la semence d'Allah.
- Celle des filles et des femmes à la question sexuelle, chacune d'elles semblant exister par rapport aux femmes du Prophète, par exemple la jeune Khokha rappelant Aïcha la dernière femme du Prophète.
Cette soumission semble plutôt sexuelle. En ce sens, ce beau roman peut se lire comme une initiation sexuelle qui commence, pour le jeune garçon, dès son plus jeune âge, par le soin particulier accordé à son sexe par sa mère exclusivement, la seule à le voir et à le toucher. Tout ce qui est sexuel semble visible au jeune garçon, même les accouplements avec les animaux, même ce qui se passe dans la chambre parentale, même les rendez-vous charnels de sa mère sur une tombe , même les caresses du père sous la robe de la très jeune Khokha, même les érections du père, même les excitations de la mère se glissant entre les draps tachés de semence du lit de son fils. Peu à peu les émois du corps du garçon.
Cela a l'air très incestueux, et pourtant ne l'est pas. La mère qui semble tellement intéressée par le sexe de son fils est en réalité folle d'amour pour le tailleur mort sur la tombe duquel elle va chaque nuit chercher son plaisir. Khokha, qui est comme une petite soeur pour lui, si belle qu'il en est follement amoureux, ne lui est pas destinée, mais destinée à son père comme Aïcha au Prophète juste avant sa mort, et finalement hors de portée de ce père bien qu'il l'ait désirée neuf ans durant. Le sexe, dans ce roman, s'avère vraiment selon son sens de section, de sexion, puisque le père est à jamais séparé de cette jeune fille, qui est une morte pour lui et aussi pour son fils, séparé parce qu'il ne peut la consommer, puisque ses testicules ont été coupés par les hommes d'une tribu au sein de laquelle il avait séduit une femme.
Ce qui frappe donc dans ce beau roman, c'est à quel point le sexe est lié, pour chacun des protagonistes, à l'impossible, ce qui a pour conséquence qu'il y a de la sexualité à ciel ouvert partout, traversant chaque corps. L'initiation du jeune garçon se conclut par de l'impossible. Impossible est Khokha, la pèche, qui est morte. Ainsi, le garçon est tourné hors de la famille. Ce qui l'y attachait, cet amour fou pour la petite soeur désormais morte, et son amour pour sa mère allant toutes les nuits sur la tombe de l'inoubliable amant qui est l'autre père du garçon, n'existe plus. Qui est le père de ce garçon ? La question ne vise pas le père biologique, on le sent. Est son père celui qui l'invite à faire comme lui, celui qui l'invite à l'aventure sexuelle, tel le tailleur qui eut une aventure sexuelle avec sa mère.
Alice Granger