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Richard Wagner et ses héros transfigurés - Laurence Latty
par Alice Granger

Alice GRANGER-GUITARD

Les Editions de la Mezzanine.

L'intérêt de cet essai est de démontrer que la source de la création artistique se trouve dans l'amour œdipien, avec toujours active la loi de l'interdit de l'inceste, cette création artistique étant un débouché acceptable pour la pulsion sexuelle incestueuse car la transgression en jeu s'effectue par déplacement et sublimation. Laurence Latty étudie le processus en cours à travers les différentes œuvres de Wagner, compte tenu d'éléments biographiques, et fait aussi allusion à la création artistique chez Chagall.

Dans l'évolution des différentes œuvres, nous voyons se proposer des solutions progressives pour en quelque sorte jeter de l'impossible sur le chemin de la satisfaction de la pulsion sexuelle incestueuse, différentes solutions pour appliquer l'impossible, la loi de l'interdiction de l'inceste. Il semble y avoir au départ, tout de même, une sorte de postulat, celui de la mère objet du désir, les filles restant elles-mêmes dans la perspective de la perpétuation de ce postulat, comme s'il n'y avait jamais vraiment pour elles de séparation d'avec le premier objet d'amour qu'est aussi la mère pour les filles, objet fantasmatique surtout.

Variations autour de la mère, unique, idéale, sainte ou bien mauvaise, incestueuse, ou bien sauvant le fils en se sacrifiant, en mourant, assumant elle-même la loi de l'interdit de l'inceste, ou bien déplacement sur les filles, idéales, pures, ou bien perverses, incestueuses, ou bien se sacrifiant aussi.

Variations autour du père, qui inscrit la loi de l'interdit de l'inceste, rival, mauvais père, bon père qui montre la voie au fils, père défectueux, ou bien déplacement sur les frères en compétition pour l'amour de la mère, des rivaux plus chanceux ou malchanceux.

En fin de compte, au terme du processus, la mère (ou les filles) restant la référence unique et intacte de l'amour total, le père accomplit quelque chose d'important pour que le fils ait l'énergie sexuelle, l'excitation qu'il lui faut pour, par déplacement et transgression, réussir sa création artistique comme un inceste totalement déplacé. Le père laisse la place au fils, dans une sorte de parricide, pour que le fils puisse puiser dans le chaudron alchimiste de l'excitation sexuelle incestueuse l'énergie pour l'acte de sublimation qu'est la création artistique. Il se signe un très étrange compromis entre le père et le fils, compromis dont témoigne la création artistique. A la fois le père laisse le fils vivre son amour incestueux, donc apparemment lève l'interdit de l'inceste et pousse le fils dans l'embrasement de la pulsion sexuelle folle, et à la fois il inscrit cette loi de l'interdit de l'inceste par le fait que le fils ne transgresse que par déplacement sur un autre objet pris dans une équivalence totale avec le premier (objet artistique, filles). A la fois le fils accomplit et n'accomplit pas l'inceste. Ce qui compte, c'est l'initiation qui passe de père à fils et qui plonge dans le chaudron brûlant de l'excitation où a lieu la transmutation du plomb en or, où a lieu le processus de sublimation aboutissant aux œuvres. Et l'or, évidemment, retourne au Rhin, à la mère, à la mer.

Ce livre de Laurence Latty est donc intéressant parce qu'il montre l'évolution de Wagner, à travers ses œuvres, vers une issue de l'amour œdipien qui est initiatique, l'initiation du fils par le père qui amène ce fils au chaudron alchimiste, à la mère à travers la fille, à l'or du Rhin.

Cependant, on peut regretter que rien de critique ne soit dit quant à ce chaudron alchimiste, c'est-à-dire quant à la position des filles par rapport à la loi de l'interdit de l'inceste avec la mère. Les filles et les mères sont en symbiose dans le chaudron alchimiste, non séparées, le jeu des filles est répétitif par rapport à celui des mères, et l'on dirait qu'on ne sort jamais de ce fantasme qui place la mère comme unique et total objet d'amour, si les filles prennent le relais dans la vie des hommes. Mais les filles ne pourraient-elles pas être autre chose par rapport aux mères, dans un processus de séparation, même si elles auraient alors à être confrontées de manière rythmique au premier objet d'amour, perdu à jamais mais référence unique? D'être autre chose introduit de la découverte dans les retrouvailles.

 

Alice Granger-Guitard

29 mars 2002

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