Lydie Salvayre
Antonia Pozzi
Petros Markaris
Jean-François Blavin
Elisabeth von Arnim
Christian Bobin
poésie Albanaise Anthologie
Léda Mansour
Denis Emorine
Jérôme Garcin

23 ans !

Accueil > THEORIE > Le poète doit-il se plaindre ?

Le poète doit-il se plaindre ?
lundi 16 novembre 2015 par Sébastien Robert

Pour imprimer


Dans un monde où la technique gouverne, l’espace spirituel se réduit. La technique recrée l’univers à son image : comme dans un mécanisme, chaque élément, repérable, tient un rôle bien défini. La donnée comporte d’autres données : aux confins du visible, vous trouverez du visible. Le réel est explicable, utile et transparent.

Bien tard, en 1960, Saint-John Perse disait que le philosophe avait abandonné la métaphysique ; Sartre prédisait que la technique rendrait vaine toute philosophie. L’intelligence partait en guerre contre le suggéré, contre l’implicite : elle condamnait l’invisible au nom de la compréhension. Cela fait plus d’un siècle que le monde a changé, que Rimbaud a disparu, que la poésie a soif, errante dans le désert.

On trouvera bien des poètes pour se plaindre et pleurer sur leur sort. Mais que voudrions-nous ? Être entendus ? Pourquoi ? Pour « guider » les peuples ? Lancer des prophéties ? Se dresser contre l’Injustice ? La télévision, la radio et internet s’en chargent déjà.

2 Septembre 1867. Il n’y avait personne à l’enterrement de Baudelaire. Il pleuvait. C’est un peu cela, être poète : écrire puis descendre dans la fosse, comme on a toujours vécu. Il faut dire la vérité : les poètes ont toujours été inaudibles et peu lus. On me dira qu’il y a des exceptions. Oui, il en existe : au XVIIème siècle, on entendait certains poètes… dans les salons ; au XIXème siècle, Hugo vociférait… mais il était député ; au XXème siècle, Heidsieck s’égosillait sur scène… devant des salles à moitié vides. Cette gloire ancienne des poètes est artificielle, risible : c’est un mythe confortable pour écrivains malheureux.

Il s’agit là de l’essence même de la poésie qui, depuis toujours, hisse l’homme au-dessus de lui-même en l’introduisant dans la profondeur du monde : mais une élévation de ce genre n’intéresse que quelques individus. La majorité, au contraire, est préoccupée : elle a à faire. Comment lui en vouloir ?

Je m’inquiéterais, au contraire, d’un art popularisé, dévoyé, qui ne demanderait pas à l’esprit un effort complexe. Existe-t-il un art qui ne vous change pas ? Il fut un temps où l’écrivain devait être au monde, à l’écoute de ses contemporains, faisant office de porte-parole ou d’éclaireur : prenant son petit billet, il faisait la commission, il éduquait et guidait les aveugles. On le voyait trottiner autour des puissants en se courbant parfois, haranguer les ouvriers, redéfinir ce qui doit être. Le poète aussi, adopta la posture : défendant la cause des opprimés, soutenant tels révoltés, évoquant la tolérance et le rapprochement des peuples.

Mais il peut bien gesticuler, le poète. On l’entend toujours lorsqu’il fait autre chose que de la poésie. Parfois, il en souffre. A quoi bon ? L’essentiel est que la bouteille lancée à la mer ne revienne pas sur la plage.

Copyright e-litterature.net
toute reproduction ne peut se faire sans l'autorisation de l'auteur de la Note ET lien avec Exigence: Littérature

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.


©e-litterature.net - ACCUEIL