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Proses (ou Boire dans le secret des grottes) - Guillevic

Editions Gallimard - 2023

lundi 27 mars 2023 par Alice Granger

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C’est le petit texte en prose, que Guillevic a écrit le 9 août 1935, « La nuit », qui va au plus loin, à l’ombilic, pour nous dire comment la poésie est possible. D’où vient la matière même de la parole. C’est-à-dire, pour le poète, le contact direct avec la terre, ses choses sensibles, « la matière-lourde, compacte, souffrante », dont il dit qu’elle est encore à libérer, ces choses qui sont « les pierres, les rochers surtout… l’humus entassé, les métaux… les couleurs… l’eau du fleuve ». Et il ajoute : « l’enseigne du droguiste », puisque la terre est habitée, ses paysages ne sont pas seulement terrestres, ceux-ci pas toujours vivriers mais aussi faits de pierres, et sont également des paysages humains. Le poète, qui écrit encore en prose, parce qu’il sent que quelque chose empêche toujours la libération de cette matière poétique infinie, nous l’imaginons en situation naissante, jeté sur terre et vivant un saut logique, puisque le corps de la mère ne le barre plus de l’accès direct aux choses sensibles qui font la qualité propice à la vie de la planète terre, et il sent aussi la différence infinie de ce dehors terrestre par rapport au dedans matriciel, puisque dans ce dehors où désormais vivre, il y a d’abord cette nouveauté absolue, la lumière, et des pierres, des rochers, de la « matière-lourde », qui dit une qualité abrupte de cette terre hospitalière à la vie, une qualité oxymorique, ce n’est pas un « tout-baigne », le poète devra apprendre des prédécesseurs, compagnons, passeurs (comme le poète et ami Jean Follain venant à sa rencontre, dont il témoigne dans ce livre), comment se débrouiller, et qu’il a en lui-même des capacités infinies, lorsque sa boussole c’est la poésie.
Logiquement, c’est à la nuit que le poète demande de libérer cette matière. Et nous entendons : l’être humain femme. Qui ne répond pas (et le texte « Regarder la porte » semble faire écho, disant qu’il faut toujours regarder cette porte, parce qu’elle peut s’ouvrir, mais « on ne sait jamais sur quoi », parfois c’est sur « ce qui était là » et cela pourrait résonner avec « les ruines circulaires » dont parle Borges, mais si l’attente a été longue, patiente, ardente, si on a la chance que cette ouverture ne soit pas facile, alors ce sera peut-être possible non seulement qu’elle s’ouvre mais que cet « autre côté » montre des choses qu’on ne reconnaît pas, et ce sera une porte en soi aussi qui s’ouvre, et « peut-être alors verrez-vous ce que votre vie attendait », et « soyez sûr que ce que vous verrez est pour vous de la première importance », et un « jour vous saurez pourquoi c’est cela que vous avez vu, un jour vous aurez fait la récolte de ce qu’il vous fallait pour le savoir », cette vision « vous était destinée », ce jour vous « vous apercevrez que pour vivre il vous fallait un amour… une matérialisation qui soit comme la matérialisation de votre amour, une image sur laquelle vous puissiez vous pencher avec ce que vous avez en vous de meilleur », vous « vous attendiez ». Là « est le plus difficile »). La nuit ne répond pas. Et un autre texte en prose raconte « L’histoire de l’attente », et elle est très difficile à raconter, cela concerne la nécessité d’écrire, la sensation que « ma vie est un équilibre précaire », que ce charme qui me retient en vie « peut être rompu, que ma vie peut glisser de cet ensemble que je réussis à maintenir », mais que « j’attends encore quelque chose de la vie », et raconter l’histoire de cette attente, peut-être « que ce sera long, mais j’espère y arriver ». « J’attends de pouvoir entrer dans la joie de dire ce que j’ai à dire, de pouvoir raconter l’histoire de l’attente ».
Guillevic nous fait entendre que cette attente rime avec le fait que la nuit ne répond pas, ne libère pas la matière, ne prend pas acte du saut logique à la naissance, pour l’être humain, qui n’est pas seulement être humain garçon mais aussi être humain fille. Et alors, fait écho le texte en prose « Le dit de la chambre haute », dans lequel il est question, justement, de la jeune fille, et dont Guillevic précise, pour révéler ce qu’elle fait, « rien ne dit que la jeune fille qui était dans la chambre ait jamais eu honte ». Il nous fait imaginer que les hommes allant la voir trouvent qu’elle est « comme une pierre qui serait à la fois douce et froide », puis il se rend compte qu’elle est peut-être quelqu’un d’autre, poète elle-aussi, et en réalité « elle brûle », mais elle est un objet inconcevable et introuvable, tandis que dans cette chambre haute, elle se donne en objet sexuel à disposition. Et cette autre qu’elle est aussi, on dirait que le poète en a la vision en étant l’oiseau qui la regarde depuis l’arbre où il est rêvant qu’il est au chaud dans le corsage de cette jeune fille. Alors « l’oiseau dans l’arbre pourrait bien savoir ce que c’est que le grand froid » qui est métaphore de la séparation de la naissance. Ayant l’intuition que cette jeune fille est une autre, qu’elle rime avec l’attente, que cet oiseau le sait, puis s’aperçoit que « tout se passe maintenant ailleurs ».
Car la nuit ne répond pas, elle « n’a pas le temps, elle s’occupe, on l’occupe ». A quoi ? C’est très ambivalent. Elle « est à l’amour » comme si elle répondait à l’homme réduit à son identité sexuelle mais qui voudrait aussi rester poète et est donc un égaré fondamental, elle se montre telle une femme aux cuisses mouillées, qui geint et qui condense en ses gémissements l’arbre, la montagne, le fleuve, devenant paysage humain dominant, « toute parcourue de frissons », « possédée de l’humidité et du rythme », telle « les arbres des forêts le soir, en été ». Guillevic donne la vision d’une nuit qui jouirait d’elle-même, et ainsi elle « s’est quittée », et la trace de cette jouissance qu’elle donne à voir le matin, c’est cette « rosée fraîche » qu’il « y aura partout sur l’herbe, les maisons, les chemins, les feuilles », de « toute la plénitude de sa joie », comme si l’identité fille avait depuis la nuit des temps le monopole, puisque sexe donnant la vie et l’homme ne le pouvant jamais, de « l’immense étendue de son amour ». Le poète Guillevic, tandis que la nuit comme la femme ne répond pas, comme si sa jouissance d’être femme suffisait à dire le monopole de l’amour, ajoute alors : « qui sait si ce n’est pas aussi pendant que vous l’interpellez vainement qu’elle travaille à la libération de la matière, à l’explosion permanente de vos désirs, à l’incandescence de la joie, à la délivrance de vos maladies et de vous-mêmes ». Le poète arrive presqu’à dire que c’est l’homme qui réduit la femme à son identité sexuelle, ceci parce que depuis la nuit des temps, est resté, telle une fixation archaïque, en aplomb dans l’inconscient humain le fantasme de toute-puissance de la mère, à cause du mystère écrasant du sexe qui donne la vie. Ce qui fait que la femme, comme la nuit, si elle ne peut pas répondre et libérer la matière en reconnaissant que la vie se vit sur une planète terre qui ne se réduit pas à n’être que la métaphore d’une matrice éternelle jamais quittée, c’est parce qu’elle ne peut pas exister comme être humain libre et poète, parce qu’à l’adolescence, l’homme revient vers elle en couronnant son sexe tout-puissant puisque désormais, il est objet de satisfaction sexuelle sous la main, comme si, en rimant avec la mère vue comme toute-puissance dans l’enfance, elle était aussi un objet naturel de satisfaction sexuelle. Guillevic est lucide tandis qu’il joue de la métaphore de la nuit et que cela fait entendre que tout se passe comme si l’humain n’avait pas encore quitté la nuit utérine, « il y a longtemps que cela dure, mais croyez-vous que cela puisse se faire en quelque temps, croyez-vous que l’on puisse facilement désagréger et d’un seul coup ces milliards de tonnes et d’années de malheur ». L’amour opère en profondeur, et avance lentement. Mais il avance. Et comment ? Au plus profond de la contradiction. « Dormez, accouplez-vous », dit-il, et c’est à travers ce que Borges nomme la nuit unanime dans laquelle il voit l’homme taciturne pénétrer que « le ventre de la nuit travaillera pour vous ardemment » et « vous entendrez peu à peu naître le mouvement qui fera éclater la prison ». Et « la nuit qui finira bien par libérer la matière ». Ne serait-ce pas à travers la logique héraclitéenne des contraires que l’être humain, homme et femme, se sèvreront de leur fixation archaïque à cette nuit matricielle qu’est le fantasme de toute-puissance de la femme-mère, qui le serait à vie et donc dans son fantasme aucun enfant ne serait sorti d’elle, d’où cette nuit, empêchant la séparation originaire, et donc le contact direct avec les choses sensibles terrestres, cette « matière » sensible qui suscitent les sens dont le corps naissant est pourvus, les font éclore, s’épanouir, et la nomination mettant en acte une appropriation poétique de ce monde terrestre vraie maternité terrestre, qui n’est pas métaphore d’une éternelle maternité biologique ? Cette matière faite des choses sensibles du dehors, terrestres, inconnues, rendent possible que, de manière directe à partir de la naissance, les sens du corps s’épanouissent à partir de choses qui ne passent plus à travers le corps de la mère, ce n’est plus la nuit utérine mais la lumière du dehors sur laquelle s’ouvrent les yeux naissants, commence alors l’organisation et le déploiement de la science des sensations chère à Fernando Pessoa, c’est-à-dire l’aventure de l’incarnation, où le verbe (la nomination qui s’approprie le monde inconnu du dehors) se fait chair.
Alors, de manière logique et incroyablement précise, le poète Guillevic nous offre un autre texte en prose, « Caïn » écrit le 14 août 1935, cinq jours après « La nuit », où il s’agit de Caïn tuant Abel, comme si, en l’homme, celui qui a choisi de se sédentariser dans une logique d’économie de la sexualité, de s’enfoncer dirait Borges dans la nuit unanime et les ruines circulaires, en devenant de plus en plus taciturne, de se démener avec des ventres de curés sous les couvertures parmi les meubles abrutis dirait Arthur Rimbaud, avait tué le poète nomade déjà au contact des choses sensibles du dehors, nommant chaque jour naissant celles parmi les paysages terrestres et humains qui le touchent, qui le font s’incarner. Nous sommes témoins de ces accouplements qui sont en phase avec le vortex du maelstrom d’Edgar Poe, lorsque Guillevic, d’emblée, décrit poétiquement cette avalanche « du rouge dans le ravin de la terreur » où tourne à « une vitesse de feu un grand soleil de feu de Bengale », ce ravin n’ayant justement pas de fin, qui « est noir, profond, insondable », comme une naissance impossible puisque c’est le sexuel, telle une hydre qui repousse toujours en crise épileptique. Caïn, dans ce ravin noir, « doit y remuer, y onduler d’énormes serpents », et tous les amis, les autres hommes, sont là aussi, morts, réduits à leur identité sexuelle, ayant tué le poète en eux en laissant la force sexuelle devenir hégémonique, après son surgissement à l’adolescence. Et la nuit, tel le soleil noir de la toute-puissance lié au fantasme de toute-puissance de la mère depuis la nuit des temps et couronnée à nouveau en tant qu’objet domestiqué de satisfaction sexuelle immédiate, se fait lie, glu, mélasse, elle envahit « le jour des choses qui aident l’homme à vivre, le vert par exemple… un arbre ». « C’est le premier crime », dit Guillevic. Avant Caïn, l’homme qui à l’adolescence veut se sédentariser pour donner à son tyran sexuel chaque jour son gruyère à portée de main (Antonin Artaud dans « Ombilic des limbes » dit dans le théâtre qui s’y joue que c’est la mère qui relève ses jupes et dit à son garçon de venir se servir son gruyère), il n’y avait pas la nuit, la nuit n’était pas encore la nuit (c’est l’irruption adolescente de la sexualité qui conforme le fantasme de toute-puissance de la femme mère éternisée). Et Caïn, c’est le manque d’amour, puisqu’il ne donne pas les choses sensibles du dehors vitales pour la science des sensations. Caïn, c’est nous, dit Guillevic. « C’est nous qui avons tué Abel ». Pourtant, « nous l’aimons ». C’est en constatant qu’il est mort que « nous l’aimons ». Lorsqu’il manque, qu’il est absent. C’est ça, la logique de la contradiction, des contraires. Elle laisse Caïn, colonisé par la pulsion sexuelle sauvage, tuer le poète Abel qu’il était jusque-là, comme si le tyran sexuel était le dictateur sexuel décidant de tout. Et alors, renaît le désir de ressusciter Abel le poète ! « Maintenant, nous travaillerions des milliers d’années au soleil pour le ressusciter, car maintenant nous savons ce que c’est que l’absence, la disparition de l’autre », Abel. Mais Guillevic est lucide : le sexuel est si hégémonique que si Abel redevenait vivant, « nous le retuerions ». Pourquoi ? Parce que la nuit ne fait pas encore sa part du travail de la paix en matière de guerre des sexes ? Guillevic, peut-être encore ambivalent en matière de femmes, préfère dire que c’est Abel le poète en soi qui n’a pas pardonné, alors que les hommes l’ont « rendu à ta pureté ». Mais comme si restait en Abel quelque chose de l’homme sous la coupe du fantasme de toute-puissance de la mère, comme si le poète que fut l’enfant dans l’avant-monde âge d’or de l’enfance fantasma le monde terrestre sensible créé par cette mère, car du « donné » sensible qu’il n’a pas dû créer, qui l’accueillit comme l’amour scotiste des humains déjà là sur terre, mais le poète Abel dans sa grande vulnérabilité imaginant que l’artiste puissante était sa mère. Guillevic s’adresse à Abel comme au poète tué en lui, et dont il espère la résurrection : « il te reste encore quelque chose de l’homme et tu te délivres en nous de tes cauchemars – de ton crime ». Voilà, cela devient le crime d’Abel ! Et son crime, « ce fut de te laisser tuer, de mourir. Il ne fallait pas mourir. Est-ce que nous savions, nous qui te frappions, que tu mourrais ? Ton crime, c’est de nous avoir appris la mort, ton crime, c’est de ne pas t’être cramponné à la vie, c’est d’avoir accepté cette chose inconcevable : l’immobilité puis la décomposition, puis la décomposition de ce qui fut toi. » Mais Abel ne savait pas qu’il n’était pas éternel, que la pulsion sexuelle allait faire irruption, mais aussi que le poète voudrait tel l’oiseau quitter son nid, se séparer, renouveler les choses sensibles afin que chaque matin soit un jour natal. Personne n’avait su que c’était si grave. « Depuis, on ne peut plus vivre dans le feu… la puanteur monte de partout, depuis notre corps n’est plus jamais à l’aise et souhaite la mort, souhaite te rejoindre, ô victime involontaire. » Et le roi, dans son palais de la sédentarisation, a le cafard, qui devient une détresse. Il traite mal, comme des bêtes, ses gens. Cela fait trente ans qu’il est à la recherche « de sa prière », et il lui faut beaucoup de femmes, « car son humeur était changeante ». « Le roi était seul, avec le marbre, avec le velours et avec l’or ». Le bouffon du roi semblait être le roi encore enfant, s’entraînant à faire des grimaces « devant les pauvres glaces de sa mère » ! Comme si être le petit roi de sa mère, il était déjà secrètement conscient que c’était une humiliation très secrète, qu’en l’élevant au rang de roi, lui le petit garçon, elle ne cessait de lui dire que la toute-puissante, c’était-elle, la mère, et qu’en ayant le pouvoir de l’élever, elle le rabaissait. Il est si difficile de vivre, quand on est le roi ! « Les femmes riaient fort » ! « Les hommes n’espéraient plus que cela finît ». Le roi lui-même avait peur. Il y avait le vide derrière le décor. Les courtisans viennent voir si le roi commence à sentir le cadavre. Le bouffon, autre lui-même, « tissait, tissait, avec patience, avec persévérance, les rets d’un filet d’où il ne pourrait s’échapper », l’amusant de ses mots d’esprit. Mais ce roi se surprend à envier « le sort d’un beau garçon sans importance ». Mais le roi s’éprit d’une de ses maîtresses.
Et ce « sera bientôt la nuit », titre d’un autre texte en prose de Guillevic. Il se demande ce qu’il fait maintenant, et se répond à lui-même : « Je fais le bovin ». Lucifer, le plus beau des Anges qui est tombé du ciel en enfer, est occupé « à ruminer le silence » (celui de la nuit, qui ne libère toujours pas la matière ?), tandis que sa gueule et son œil sont « inassouvissables ». Il se défend : je ne suis pas un criminel, « rien qu’un existant ». Il a fermé ses yeux (qui avaient été ouverts sur le monde sensible terrestre et humain ?). S’il avait un ami, il lui demanderait de ne pas le laisser devenir fou, qu’il faut l’empêcher de penser. Mais il ne peut pas partir. « C’est la nuit ». Silencieuse. Et lui, il aime la lumière, « les coulées de clarté ». Lui, il ne veut pas faire la guerre, elle n’est selon lui l’affaire que de certains, et les idiots suivent. « Pour moi, ma vie m’est plus précieuse que tout ». Il est revenu dans un coin d’Alsace, de forêts, pour fuir, pour se cacher, pour vivre ? Il sent combien « Ma vie est une chose immense, incommensurable, incompréhensible. Je ne veux pas la perdre ». Pourtant, cette guerre, il la sent quelque part sur lui, même s’il sait qu’il veut une vie autrement pure, et que son combat à lui est très différent, « puisque je lutte avec l’inconnu, avec la nuit, avec le vert, avec toutes les couleurs, avec la vie, avec un mugissement, une plainte, un désir en moi semblable au chaos originaire ». Il souffre de sentir cette guerre en lui. Cette lutte contre l’anéantissement. « Je ne suis pas fou. J’aurais voulu pouvoir être seul au monde et meneur de jeu ». « La nuit s’assoit sur mes genoux. Je n’ai qu’elle et la profondeur de l’espace. Je l’aime et j’ai peur du silence, du souffle lent à travers les arbres, du mystère. Il fera froid, cette nuit. J’ai une longue pesée de larmes en ma tête ». Alors, il comprend que celle « que j’ai aimée est ce ciel indistinct ». Il se dit, « Je ne suis pas content de ma vie et de la vie… et souvent… ma colère et mon cafard ont un goût de maladie ». S’enlise-t-il dans le sable mouvant ? Non, dans le tourbillon de sa folie, il a « vu l’autre lumière » ! « Dans le souterrain » (autre texte en prose, écrit le 9 janvier 1940), il semble ne pas savoir où il va. Mais ce qui l’habite, c’est le désir d’en sortir, de cet endroit humide, d’une tiédeur lourde, et elles sont finies les haltes, il est l’homme qui marche, non pas l’homme qui s’écroule. Il consent au bonheur, car il a vu, il a entendu. « Oh ! peu de chose : une prairie…, verte et fraîche… une prairie où il est clair que c’est pour toujours ». Une nuée, « une myriade de petits hommes sont venus de tous les coins du souterrain, de dedans des pierres, peut-être, et ils ont chanté, ils ont dansé une danse frénétique et douce ; le souterrain s’est ouvert, le souterrain s’est évanoui et au-dessus des petits hommes il y avait le ciel bleu et doux comme un ciel de livre d’enfant ». Lui-aussi, il a bu dans le secret des grottes.
En effet, le titre « Proses » a pour sous-titre « Boire dans le secret des grottes ». Et là, la nuit n’a-t-elle pas qu’un seul désir, libérer la matière ?
Alice Granger



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